Pour une coopération accrue entre professionnels de l’information

Pour une coopération accrue entre professionnels de l’information

Par Julie CARON-VANESSE, élève-conservatrice territoriale de bibliothèques, INET.

Promotion Gerda Taro et Robert Capa

julie.caron@conservateur-inet.org

 

Le weekend du 14 juillet se tenait à Autun un Festival des Histoires vraies, aussi appelé Festival du Journalisme vivant, organisé à l’initiative de Revue XXI et 6 mois. Dans un programme touffu, une thématique en particulier avait attiré mon regard : « Faut-il brûler les journalistes » ?

 

« Merdias », « Journalope »… telle est la palette de vocabulaire en vogue pour parler des médias, et qui illustre la défiance des uns et des autres envers les ces derniers. Défiance exacerbée par les prises de positions des politiques, comme on l’a régulièrement vu pendant la campagne présidentielle, et réactivée en cette fin d’été lors de l’Université d’été de la France Insoumise autour d’une conférence intitulée « Faut-il dégager les médias ? » (dont un retour est consultable sur le site de Libération).

 

Au détour d’une sociologie des journalistes, le message est clair : les journalistes sont tout à fait prêts à faire leur autocritique. Leur position paradoxale (agir dans un principe d’intérêt général quand l’intérêt financier de leur employeur reste bien réel, et dans un contexte de concentration massive de la presse) ne les y aide pas, et les pistes de réflexion avancées sont nombreuses. L’une d’entre elles ressort. La défiance s’expliquerait en partie par le tropisme parisien des journalistes, incapables de cerner et de se faire l’écho des problématiques des « vrais gens ». Le problème premier serait donc la production de l’information hors-sol. La temporalité de la production de l’information, à l’heure de l’information en continue, est désignée comme responsable de ce phénomène. Moins de temps, mais aussi moins d’argent : autant de moyens à ne plus être consacrés à la réalisation de reportage de fond. Bien entendu, ne généralisons pas à outrance : des contre-exemples existent et tentent d’inverser la tendance. Mais le bon sens de quelques rédactions, qui font peut-être un pas de côté par rapport à la demande du public, et la volonté des journalistes de servir des intérêts plus élevés – pensons notamment aux actions du collectif Informer n’est pas un délit – ne suffisent pas à compenser.

Face à cette problématique, les journalistes m’ont paru se sentir bien seuls… Peut-être parce qu’ils ont oublié qu’ils ne sont pas les seuls professionnels de l’information.

 

Pendant ce Festival, la question de l’éducation aux médias a été posée du bout des lèvres, dans une optique notamment d’éducation populaire, dont la cible exclusive des discours est les enfants. Ne s’agit-il pas pourtant de la question essentielle ? On constate que les populations à fort niveau d’études sont celles qui cherchent l’information de qualité, tandis que les populations moins qualifiées sont plus sujettes au phénomène des bulles informationnelles et d’un arbitrage du temps libre défavorable à l’information. Et face à ce constat, à aucun moment la bibliothèque n’est pensée comme un intermédiaire possible, comme un facilitateur. On entend parler des initiatives journalistiques – certes louables  –, notamment des initiatives pédagogiques du journal Le Monde, qui touchent quelques classes par an. Ces initiatives sont insuffisantes.

 

Comme elle l’était déjà hier, la bibliothèque est aujourd’hui un maillon essentiel de la chaîne pour améliorer la qualité de l’information. Mais à l’heure où les fake news s’enchaînent, à l’heure de la désinformation permanente, l’enjeu est plus grand encore.

 

Ces liens entre bibliothèques et journalistes existent, bien entendu. On dénombre un certain nombre d’initiatives, comme la série « Profession reporter » de la Bibliothèque Publique d’Information, ou encore le cycle d’écriture « Grand Reporter » du Labo des Histoires (Lorraine) qui ont tous deux vocations à faire se rencontrer les journalistes et le public. Pourtant, il s’agit souvent, si ce n’est pas essentiellement, de partenariats ponctuels, dans le cadre d’une programmation culturelle, avec un journaliste particulier, avec un individu particulier. Aujourd’hui, ne devrions-nous pas aller plus loin ?

 

Faire travailler les bibliothèques et les rédactions main dans la main ? Faire s’immiscer la bibliothèque dans la phase de production de l’information, accroître la présence des journalistes dans la phase diffusion ?

 

Ces idées ne sont clairement pas celles qui sont actuellement portées par les professionnels de la lecture publique, ni celles qui sont actuellement portées par les rédactions. Les uns et les autres ayant leurs propres urgences. Mais la clé de longévité de toute organisation ne réside-t-elle pas dans sa capacité à s’occuper de « l’important non urgent » ?

 

La réflexion est ouverte : elle ne demande qu’à être alimentée.