Le Bibliothécaire d’avenir, d'après une conférence M. Olivier Caudron, Inspecteur des bibliothèques

Le Bibliothécaire d’avenir

D’après une conférence de M. Olivier Caudron, Inspecteur des bibliothèques


Qu’y a-t-il de commun entre les bibliothèques de nos grands-parents et les nôtres ? Des livres, certes. Pourtant, il semble évident que la bibliothèque du XXIe siècle n’a plus rien à voir avec son ancêtre. Eric Orsenna a souligné dans son fameux rapport les missions nouvelles des bibliothèques et la qualité des services créés pour répondre à des demandes de plus en plus nombreuses et diversifiées. Que ce soit pour des raisons de sens ou de budget, les établissements de Lecture publique ont dû s’adapter à un contexte exigeant qui leur impose aujourd’hui de sans cesse remettre en question leurs pratiques et leur rôle sociétal.

Les bibliothèques font peau neuve

Les bibliothèques, confrontées à une baisse constante d’inscrits voire de fréquentation sont depuis les années 2000 à la recherche de nouveaux modèles.

Internet et les ressources numériques sont sans doute une des causes des évolutions constatées. Au-delà du constat de la mise en concurrence des bibliothèques avec Internet, cette technologie permet de nouveaux types de services à distance dont les citoyens ont besoin. Les BU, par exemple, font preuve d’inventivité pour s’adapter au nouveau contexte de l’édition scientifique en proposant des nouveaux modes de diffusion de l’information scientifique et technique adaptés aux exigences de la recherche et de l’enseignement. Les Fab Lab ou encore les Learning Lab en sont la preuve.

Outre ces questions liées au numérique, les bibliothèques doivent adopter une démarche orientée vers l’usager plutôt que vers les collections. La collection n’est plus la raison d’être des bibliothèques, mais bien son utilisation par l’usager. La bibliothèque de Delft l’affirme haut et fort dans son slogan : « Notre meilleure collection, c’est vous. » La quête (ou conquête) de nouveaux publics est au cœur des actions des bibliothécaires. La redéfinition de cet espace en 3e lieu ou lieu de vie, qui rompt avec l’image traditionnelle du temple du savoir, implique une extension du champ d’intervention des bibliothèques vers tous les thèmes de la vie, du savoir le plus sérieux au loisir le plus décontracté. D’où l’apparition de collections de jeux de société ou de jeux vidéo sur les étagères, d’espaces de restauration conviviaux et propres à la sociabilisation. Le rapprochement des espaces culturels et sociaux dans des centres hybrides répond à la nécessité de faire des bibliothèques un lieu à usages multiples insérés dans le territoire à desservir et dans les usages quotidiens des citoyens.

Portrait du bibliothécaire idéal

Dans ce nouveau cadre, les métiers en bibliothèques se sont considérablement transformés. Quand en 1995 on recensait 31 métiers différents, il est aujourd’hui impossible de les dénombrer de façon rigoureuse. Et pour cause : les personnels sont de plus en plus polyvalents et les fonctions labiles. Informaticien, formateur, animateur, vidéaste, chargé de communication, catalogueur, développeur, manager, chauffeur de bus, chasseur de partenaires ou de mécénat… les tâches se multiplient au sein des bibliothèques alors que la masse RH est de plus en plus contrôlée.

 

Comment articuler ces deux tendances contradictoires ? Le recruteur doit aujourd’hui faire preuve de sagacité en sélectionnant les agents davantage sur le savoir-être et leur savoir-évoluer que sur leur savoir et savoir-faire. La souplesse, la polyvalence, la mobilité et les capacités relationnelles sont autant de compétences indispensables pour former une équipe diversifiée et créative. Sans oublier l’attachement aux valeurs humaines et sociales plutôt qu’au catalogage qui sont indispensables dans un endroit où le service au public devient essentiel et prépondérant. Rappelons-le : le bibliothécaire doit « aimer les gens avant d’aimer les livres. » Cette ouverture vers l’autre et vers l’avenir doit être au cœur de la recherche du recruteur. En effet, si autrefois on signait pour une tâche précise pour les 40 prochaines années, il faut avoir à l’esprit « qu’aujourd’hui, on signe pour l’inconnu. »

Bref, le bibliothécaire idéal, ce n’est plus l’expert d’un domaine, c’est le médiateur qui sait faire le lien entre les contenus scientifiques et culturels de ses ressources et le public parfois très éloigné de la réalité des bibliothèques ; c’est l’agent qui se forme afin de mieux répondre aux exigences du service grand public ; c’est le coéquipier attentif et flexible capable de s’adapter aux changements contextuels et managériaux.

Les défis du manager

Ce bibliothécaire idéal ne s’invente pas, il se construit. C’est toute l’ambition que doit avoir le manager du XXIe siècle. Que ce soit lors d’un recrutement ou bien en gestion d’équipe, le manager doit savoir déceler les potentiels de ses agents pour construire avec eux une équipe forte et complémentaire. La cohésion et la cohérence sont les deux objectifs de son travail de chef d’équipe. A lui, pour cela, d’identifier les profils les plus complémentaires lors des entretiens, de définir un plan de formation qui articule besoins individuels des agents et besoins de la bibliothèque, qui fasse une place à toutes les ambitions sans marginaliser les agents plus fragiles parfois en difficulté face au changement.

 

Rien ne tombe du ciel, ni la souplesse ni la créativité. Seul un contexte favorable et bien cadré peut donner l’opportunité aux agents de s’épanouir et trouver du sens à leur travail individuel et collectif. Au manager de le construire en sachant faire confiance à ses collaborateurs et en responsabilisant les agents. Savoir accompagner les agents dans le changement, savoir évaluer les services de la bibliothèque pour mieux cadrer l’action à venir, savoir articuler les moyens aux objectifs (tant en termes de budget que de compétence), c’est le défi du manager.

Jean-Philippe Bard,

Promotion Méditerranée