Portrait de conservateur : Jérôme Triaud (Ville de Vénissieux)

  • Pouvez-vous présenter votre parcours ?

 

J’ai fait une formation universitaire classique, une hypokhâgne et une khâgne, puis j’ai eu un DEA (Diplômes d’Etudes Approfondies, équivalent du Master 2) d’histoire médiévale. J’ai aussi étudié pendant longtemps à l’étranger : quatre ans et demi en Allemagne, à Trèves, où j’ai fait un diplôme de langue allemande, et une année en Erasmus à Salamanque pour le master Histoire médiévale.

 

Quand j’étais en poste après le concours de conservateur, j’ai repris des études pour faire le cycle supérieur de l’INET, associé à un master 2 de management public de l’université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines.

 

En ce qui concerne mon parcours professionnel, j’ai démarré comme emploi jeune au musée historique de Lyon, je m’occupais de faire le lien avec les chercheurs de l’université lyonnaise. Puis j’ai passé les concours, j’ai été bibliothécaire d’abord dans ce même musée, puis j’ai basculé à la bibliothèque municipale de Lyon. J’y avais un poste de bibliothécaire à la documentation régionale et en plus je pilotais la revue Gryphe, une revue de valorisation des collections patrimoniales. En parallèle, j’ai enseigné pendant quatre ans à l’université Lyon 3, à la faculté de philosophie, pour un module de recherche documentaire et un TD sur la manière dont les philosophes créent leur œuvre, mobilisent la documentation, la pensée des autres…

 

J’ai ensuite eu le concours, en 2009, et à la sortie de l’école (INET et ENSSIB à l’époque), j’ai pris mon premier poste, la direction de la lecture publique au département de Saône-et-Loire, avant d’arriver ici, à Vénissieux, en septembre 2018, sur le poste de directeur.

 

  • C’est quoi pour vous la bibliothèque de vos rêves ?

 

Ce n’est pas une question simple... Je dirais que c’est une bibliothèque où je peux me poser tranquillement pour lire un livre, un magazine, écouter de la musique, peut-être voir un film... Paradoxalement, ce serait un lieu de déconnexion du monde hyper-connecté.

 

  • Quelle est, selon vous, la/les qualité(s) majeure(s), que doit avoir un conservateur ?

 

Il faut être pugnace, persévérant. Il faut être attentif à ce que disent les agents, les élus, les usagers. Et il faut une capacité à être authentique, s’autoriser à bousculer des tabous.

 

  • Qu’est-ce qui est important dans la formation de conservateurs ?

 

Le management doit rester au cœur de la formation. Cependant, il y a une chose qui, selon moi, ne figure pas, et que j’aimerais bien voir un jour dans cette formation, c’est une approche psychologique des individus et une approche de psychologie collective. Le management, pour moi, c’est un contact relationnel, et je trouve que cette approche donnerait des grilles de lectures qui permettraient, parfois, de désamorcer des relations managériales ou des relations avec des usagers qui s’enveniment à partir de pas grand-chose.

 

Il ne s’agit pas de manipuler les gens mais d’avoir des grilles de lecture qui viennent d’un autre domaine, et qui permettent d’avoir des réactions et des mots adaptés.

 

  • Est-ce qu’il y a des choses que vous avez changées dans votre manière de travailler au cours de votre carrière ?

 

J’ai appris à sortir d’un schéma préétabli, pensé seul ou plus ou moins seul, pour aller vers des choses où j’essaie de prendre en compte plus fortement les agents et, j’espère, les usagers et citoyens. Au départ, j’avais une idée assez verticale des choses, et j’ai compris très vite avec mon premier poste que ça ne conviendrait pas.

 

Je crois aussi que je fais finir par devenir un grand spécialiste des règles statutaires, même si ce n’est pas ce que je préfère. Ça permet de dialoguer avec les organisations syndicales sur le même pied.

 

  • Quelle est votre source de satisfaction au travail et votre meilleur souvenir dans le cadre de votre profession ?

 

J’accompagne mes équipes dans une dynamique de changement, individuellement et collectivement, alors ma source de satisfaction, c’est indéniablement quand je vois une équipe se transformer, des agents se transformer professionnellement, quand je les accompagne d’un point A à un point B. Cela n’est généralement pas linéaire, mais ça se voit.

 

Mon meilleur souvenir, c’était un événement de la saison culturelle de Saône et Loire 2017. Cette année-là, on avait programmé (en plus de plein de choses super !) un concert-lecture de Magyd Cherfi, ex chanteur-leader des Zebda. Il avait fait paraître un livre, Ma part de Gaulois, une réflexion sur son histoire personnelle d’immigré, écrite de manière romancée. Ce fut un grand moment de concert-lecture dans un village de Saône-et-Loire qui s’appelle Couches, avec 2000 habitants et une salle de concert attenante à un EPHAD… Et le lendemain, il a accepté que je fasse son interview pour mettre sur notre site, donc on a parlé pendant deux heures de littérature et de musique, au milieu de la campagne Saône-et-Loirienne !

 

  • Si vous étiez une œuvre d’art, laquelle ?

 

Je serais, Aguirre, la colère de Dieu. C’est un film qui m’a énormément marqué, il y a des moments grandioses, comme au début quand on descend le Machu Pichu avec la caméra de Herzog. Quand tu sais qu’ils l’ont fait vraiment comme ça, qu’il y a eu un mort ou deux, quand tu sens les mecs crasseux, quand tu sens que Don Lope de Aguirre alias Klaus Kinski veut déjà prendre le pouvoir… . Ou bien le passage de la Tosca par José Carreras, qui s’appelle par « e lucevan le stelle », chanté par Carreras et par personne d’autre.