Portrait de conservatrice : Justine Duval (Ville de Villejuif)

Tableau "Le Groom" de Chaim Soutine.
“Le Groom” de Chaim Soutine (1925). Source : Centre Georges Pompidou CC0

Justine Duval dirige le réseau des médiathèques de la ville de Villejuif. Diplômée en 2016 de l'INET (promotion Cabu), elle insuffle une nouvelle énergie aux bibliothèques de Villejuif depuis son arrivée. Elle a accueilli quatre élèves conservateurs en 2018 pour un projet collectif portant sur la réorganisation du service. C'est avec plaisir qu'elle a répondu à nos questions.

 

  • Pouvez-vous présenter votre parcours ?

 

J’ai fait un Bac L option histoire de l’art puis une prépa littéraire à Pierre de Fermat à Toulouse, ensuite je suis partie à Paris 3 faire une double licence lettres modernes/études théâtrales. J’ai intégré en tant qu’étudiante en études théâtrales à l’ENS en soutenant comme projet de devenir dramaturge (au sens allemand du terme, c’est-à-dire une personne qui travaille sur le texte et l’interprétation ; cela nécessite des compétences très variées). J’ai commencé une thèse en études théâtrales sur le partage du langage (comment on investit le terrain de langue de l’autre - de manière frontale ou de manière douce -, comment créer des rapports de force linguistiques). C’était très intéressant mais trop abyssal et solitaire, donc j’ai rapidement arrêté ma thèse.

 

J’ai voulu entrer dans une école de journalisme (CFJ) pour être productrice de radio, je suis donc entrée en 2ème année directement ; cependant comme cela était trop technique pour moi on m’a mise d’office en presse écrite et web, ce qui ne m’intéressait pas, je ne suis restée que 6 mois. Après cela, j’ai vendu des livres chez Gibert-Jeune le temps de préparer le concours de conservateur territorial (seulement celui-ci) car le monde des bibliothèques m’intéressait mais je ne savais pas par quelle porte y entrer car je n’avais pas de base technique (DUT, etc) ; j’aime également beaucoup la stratégie. J’ai eu le concours de conservateur territorial des bibliothèques en 2014 et ai intégré l’INET en 2015 au sein de la promotion Cabu ; j’ai été recrutée comme directrice du réseau des bibliothèques de Villejuif en 2016.

 

  • C’est quoi pour vous la bibliothèque de vos rêves ?

 

En vrac : un lieu ouvert (accueillant, où on ne trie pas les publics), hybride entre différentes fonctions/ différents services, convivial, chaleureux. L’idéal serait qu’elle soit une porte ouverte vers d’autres choses qu’elle-même.

 

  • Quelle est selon vous la (les) qualité(s) majeure(s) d’un conservateur ?

 

Il faut être sociable, aimer ou savoir manager (mais est-ce une qualité ?) ; savoir manager n’est pas une nécessité, cela ne s’apprend pas, en tout cas il faut avoir envie de s’y frotter (car cela représente 90% du temps), être stratégique et avoir une vision (de la société, de la culture…), savoir argumenter sur ce qu’on fait ou pour faire des choses (la majorité du temps se passe aussi en argumentation), être humain (pour le management, il faut avoir envie d’encadrer des gens et de s’en préoccuper). Le conservateur n’a pas besoin d‘être cultivé car ce n’est pas lui qui fait, c’est plutôt le bibliothécaire qui doit l’être ; on met juste en œuvre les conditions pour que la culture se développe.

 

  • Y a-t-il des choses que vous avez changées dans votre manière de travailler au cours de votre carrière ?

 

Non, je n’ai pas encore assez de recul sur ma carrière.

 

  • Quelle est votre source de satisfaction au travail ? Quel est votre meilleur souvenir dans le cadre de votre profession ?

 

Ma source de satisfaction c’est le rapport au public même si on le voit peu ; c’est important que le public soit content. Les différents projets (action culturelle ou projets plus fondamentaux) mis en œuvre sont également une source de satisfaction importante.

 

Mon meilleur souvenir : les Bibliofolies 2016 où nous avons accueilli “Omni” de Patrice Moullet, un instrument de musique qui permet de créer des sons et de la musique en direct. C’est intéressant comme outil de médiation pour le handicap, etc ; on peut en faire des usages multiples, le public est intéressé et interagit avec. Ça a été compliqué de le faire venir mais c’est un très beau souvenir.

 

Lien vers le site de Patrice Moullet et son œuvre “Omni” : http://www.patricemoullet-alpes.com/omni-1.htm

 

  • Qu’est-ce qui vous semble important dans la formation d’un conservateur territorial de bibliothèque ?

 

Tous les aspects pratico-pratiques qu’on ne connaît pas forcément avant d’entrer dans le secteur (budget, marchés, RH) ; c’est cependant plus facile à acquérir car cela s’apprend. Ce qui ne s’apprend pas, c’est l’esprit du bibliothécaire. La formation permet de l’appréhender mais ce sont plutôt les stages qui permettent de l’acquérir : comprendre comment un groupe de bibliothécaires fonctionne quand on les met ensemble. C’est de l’anthropologie ! La culture territoriale est indispensable également (qu’est-ce qu’une collectivité, comment cela fonctionne, qu’est-ce qu’une politique publique).

 

  • Si vous étiez une œuvre d’art, laquelle seriez-vous ?

 

Une œuvre plastique : “Le Groom” de Chaim Soutine. En musique : les suites pour violoncelle de Bach. Comme film : “Paris, Texas” de Wim Wenders.

 

 

 

--> Justine Duval sur Linkedin : https://fr.linkedin.com/in/justine-duval-aa5b817b